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De l’entête au dispositif : le formalisme des conclusions en appel au visa du nouvel article 954 du Code de procédure civile

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Publié le 12.05.2025

1. Contexte

Les conclusions en appel sont devenues, depuis le décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023, avec les nouveaux articles 915-2 et 954 du Code de procédure civile presque plus risquées que la déclaration d’appel. La combinaison de ces nouveaux articles avec les dispositions de l’article 562 du même code sur l’effet dévolutif et l’article 901-7 concernant l’énumération des chefs critiqués mérite attention. La présente fiche pratique a pour objet de rappeler les contraintes des nouveaux textes, lister les points de contrôle, mais également de fournir des pistes d’argumentaires sur ces nouveautés.

Les mentions concernant l’entête des conclusions et le « Plaise à » justifient un focus sur le moyen tiré du formalisme excessif (A). L’exposé des faits et de la procédure sont l’occasion d’une actualité jurisprudentielle sur l’absence de visa des pièces dans les conclusions (B). La partie discussion nécessite de revenir sur les contraintes et les contours du principe de concentration des prétentions (C). Enfin, en attendant les arrêts de la 2e chambre civile, des conseils de rédaction et un modèle de dispositif de conclusions sont présentés autour de la demande d’infirmation et l’énumération des chefs du dispositif du jugement critiqués (D).

2. À retenir

A. – L’entête et le « Plaise à »

I° Rappel des textes

Selon l’article 954 du Code de procédure civile« les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues aux deuxième à quatrième alinéas de l’article 960 », c’est-à-dire : « si la partie est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance » et, « s’il s’agit d’une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ».

Par ailleurs, les conclusions doivent mentionnées si elles sont adressées « Plaise à la Cour », ou si elles sont spécialement adressées « Plaise au Conseiller de la mise en état » ou « Plaise au Président de chambre » et ceci pour satisfaire aux exigences des articles 906-3 et 913-5 du Code de procédure civile.

L’ensemble de ces indications sont source d’erreurs et d’oublis.

II° Le risque d’oubli d’une partie dans l’entête

Concernant tout d’abord l’oubli complet d’une ou plusieurs parties dans l’entête des conclusions pour l’avocat qui en représente plusieurs, le risque est pour l’appelant la caducité partielle de l’appel pour la partie omise dans l’entête et, pour l’intimé oublié dans l’entête l’irrecevabilité des conclusions régularisées après l’expiration du délai.

III° L’erreur matérielle et/ou l’oubli d’une mention

Concernant ensuite la réparation d’une erreur matérielle ou l’oubli de certaines mentions de l’article 960 susvisé, l’avocat pourra en principe facilement les réparer et écarter un éventuel moyen d’irrecevabilité (sanction de l’article 961 du Code de procédure civile) ou de nullité s’il était soulevé compte tenu de l’absence de grief exigé par l’article 114 du même code.

IV° L’erreur sur le « Plaise à… »

Pour se défendre en cas d’erreur sur le « Plaise à », il sera prudent d’ajouter au moyen de réparation de l’erreur matérielle, celui du formalisme excessif auquel la 2e chambre civile a de plus en plus souvent recours pour motiver ses arrêts avec des appréciations qui varient selon les circonstances.

Ainsi, elle considère qu’un président de chambre a, à juste titre, jugé qu’il n’était pas saisi des conclusions d’incident d’irrecevabilité de l’appel pour tardiveté dès lors que ces conclusions avaient été adressées « Plaise à la Cour » et non « Plaise au Président » (Cass. 2e civ., 18 janv. 2024, n° 21-25.236, FS-B : JurisData n° 2024-000190 ; Procédures 2024, comm. 52, obs. S. Amrani Mekki). En revanche, elle sanctionne pour formalisme excessif une cour d’appel qui n’a pas admis des conclusions d’appel désignant, par erreur dans l’entête, le Tribunal de 1ère instance au lieu de la Cour, alors que ces conclusions avaient bien été régularisées devant la Cour par RPVA et qu’elles contenaient une demande de réformation du jugement (Cass. 2e civ., 3 oct. 2024, n° 22-16.223, F-B : JurisData n° 2024-017013 ; Procédures 2024, comm. 266, S. Amrani Mekki).

Cette différence de traitement s’explique surtout par le fait que la mention du « Plaise à » n’est pas exigée par la loi dans les circonstances de l’arrêt du 3 octobre 2024, alors qu’elle l’est dans l’arrêt du 18 janvier précédent s’agissant de conclusions d’incident qui auraient dû être spécialement adressées au président de chambre en application de l’article 906-3 du CPC.

L’intérêt de cet arrêt du 3 octobre 2024 est, aussi et surtout, de fournir une définition précise et utile du formalisme excessif.

V° La définition du formalisme excessif par la CEDH, un outil utile

D’un point de vue pratique, les point 5 et 6 de la réponse aux moyens de l’arrêt de la 2e chambre civile du 3 octobre 2024 susvisé (Cass. 2e civ., 3 oct. 2024, n° 22-16.223, F-B : JurisData n° 2024-017013 ; Procédures 2024, comm. 266, S. Amrani Mekki) constituent un outil pour argumenter sur le sujet du formalisme excessif dans des conclusions puisqu’ils contiennent une synthèse des arrêts de la CEDH :

[…]

5. Selon la Cour européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le droit d’accès à un tribunal doit être « concret et effectif » et non « théorique et illusoire » (Bellet c/ France, 4 décembre 1995, § 36, série A n° 333-B). Toutefois, le droit d’accès à un tribunal n’est pas absolu et se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle par nature une réglementation par l’État, lequel jouit à cet égard d’une certaine marge d’appréciation (Baka c/ Hongrie [GC], n° 20261/12, § 120, 23 juin 2016, et Ali Riza c Suisse, n° 74989/11, § 73, 13 juillet 2021). Cette réglementation par l’État peut varier dans le temps et dans l’espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus (Ashingdane c. Royaume-Uni, 28 mai 1985, § 57, série A n° 93, et Stanev c. Bulgarie [GC], n° 36760/06, § 230, CEDH 2012). Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l’article 6, § 1, que si elles poursuivent un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (Zubac c/ Croatie [GC], n° 40160/12, § 78, 5 avril 2018).

6. Les critères relatifs à l’examen des restrictions d’accès à un degré supérieur de juridiction ont été résumés par la Cour dans l’affaire Zubac (précitée, §§ 80-99). Afin d’apprécier la proportionnalité de la restriction en cause, la Cour prend en considération les facteurs suivants : i) sa prévisibilité aux yeux du justiciable (Henrioud c/ France, n° 21444/11, §§ 60-66, 5 novembre 2015, Zubac, précité, §§ 85 et 87-89, et C.N. c. Luxembourg, n° 59649/18, §§ 44-50, 12 octobre 2021), ii) le point de savoir si le requérant a dû supporter une charge excessive en raison des erreurs éventuellement commises en cours de procédure (Zubac, précité, §§ 90-95 et jurisprudence citée) et iii) celui de savoir si cette restriction est empreinte d’un formalisme excessif (CEDH 2002-IX, Henrioud, précité, § 67, et Zubac, précité, §§ 96-99). En effet, en appliquant les règles de procédure, les tribunaux doivent éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l’équité de la procédure, et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédure établies par les lois (Walchli c/ France, n° 35787/03, § 29, 26 juillet 2007) […].

Après l’entête, les conclusions comprennent, selon l’article 954 du Code de procédure civile, distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion et un dispositif.

B. – L’exposé des faits et de la procédure et le visa des pièces

L’exposé des faits et de la procédure n’appellent pas d’observations particulières, sauf à rappeler qu’il doit être le plus complet et précis possible pour la compréhension du litige, tout comme le visa des pièces qui viennent au soutien des moyens de fait et de droit. En effet, l’article 954 du CPC exige des conclusions qu’elles « formulent […] les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée avec indication, pour chaque prétention, des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé ». Pour faciliter le travail de la Cour et emporter plus facilement sa conviction, il est recommandé de viser dans l’exposé des faits et de la procédure, mais également dans la discussion au soutien des prétentions, les pièces invoquées et leur numérotation au bordereau annexé et ceci même si le texte ne prévoit pas de sanctions.

Sur l’absence de sanction, la 2e chambre civile a récemment au visa de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales jugé que l’absence « de renvoi par les conclusions aux pièces produites n’est assortie d’aucune sanction » et ne dispense pas la Cour « de son obligation d’examiner les pièces régulièrement versées aux débats […] et clairement identifiées dans les conclusions prises au soutien de ses prétentions » (Cass. 2e civ., 28 nov. 2024, n° 22-16.664, F-B : JurisData n° 2024-022361 ; Procédures 2025, comm. 2, obs. S. Amrani Mekki ; JCP G 2025, act. 105, obs. Ph. Gerbay).

C. – La discussion et le principe de concentration des prétentions

Pour rappel, l’article 954 du Code de procédure civile exige de la discussion qu’elle contienne les moyens de fait et de droit, ainsi que les prétentions. Les prétentions et moyens précédemment présentés doivent être récapitulés pour ne pas être réputés abandonnés. La cour n’examinera les moyens de fait et de droit que s’ils sont invoqués dans la discussion au soutien des prétentions. L’article 915-2 du Code de procédure civile exige, quant à lui, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, des parties qu’elles présentent, dès leurs premières conclusions l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. Elles ne pourront, ensuite, que répliquer dans les limites définies par cet article. Ce principe de concentration ne concerne que les prétentions au fond et ne fait donc pas obstacle à la présentation ultérieure de moyens nouveaux (lesquels doivent être présentés de manière formellement distincte).

Les fins de non-recevoir ne sont pas non plus concernées par ce principe de concentration (Cass. 2e civ., 4 juill. 2024, n° 21-20.694, FS-B : JurisData n° 2024-010398 ; Procédure 2024, comm. 222, obs. R. Laffly). Lorsque toutes les prétentions ont été formulées dans la discussion des premières conclusions, il échet de toutes les récapituler dans le dispositif avec un attention particulière sur la demande d’infirmation et l’énumération des chefs critiqués.

D. – Le dispositif

I° Rappel du texte

L’obligation jurisprudentielle pour l’appelant de demander, dans le dispositif de ses premières conclusions, l’infirmation ou l’annulation du jugement a été codifié et complétée dans la dernière version de l’article 954 du Code de procédure civile qui dispose désormais que :

les conclusions comprennent […] un dispositif dans lequel l’appelant indique s’il demande l’annulation ou l’infirmation du jugement et énonce, s’il conclut à l’infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués, et dans lequel l’ensemble des parties récapitule leurs prétentions.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif […].

II° La demande d’infirmation avec énonciation des chefs du dispositif du jugement critiqués

La première des prétentions que l’avocat prendra soin de formuler dans le dispositif de ses conclusions reste la demande d’infirmation ou d’annulation. L’absence de cette prétention conduira, au visa du nouvel article 954 du CPC, aux mêmes sanctions jurisprudentielles à savoir l’obligation pour la cour d’appel de confirmer la décision entreprise ou, si un incident est formé, à la caducité de la déclaration d’appel. L’article 954 ajoute désormais que l’appelant, s’il demande l’infirmation, énonce « les chefs du dispositif du jugement critiqués ». La sanction de l’absence ou de l’omission de certains chefs critiqués au dispositif des conclusions (par rapport à ceux mentionnés dans la déclaration d’appel) provoque des questionnements.

La première question est celle de savoir si la sanction de cette obligation nouvelle d’énumérer les chefs dans le dispositif de ses conclusions (sanction non prévue par l’article 954 du CPC) peut se trouver dans l’application combinée des nouveaux articles 901-7 du Code de procédure civile d’une part et 915-2 du même code d’autre part au terme duquel l’appelant principal peut « compléter, retrancher ou rectifier » les chefs critiqués de sa déclaration d’appel dans le dispositif de ses premières conclusions ? S’il est incontestable qu’avec l’article 915-2 du CPC l’effet dévolutif de l’appel n’est plus figé dans la déclaration d’appel, l’omission de certains chefs critiqués dans le dispositif des premières conclusions exigés par l’article 954 emporte-t-il restriction (non régularisable ?) de l’effet dévolutif ? L’énumération d’un ou des chefs critiqués devient-elle une prétention autonome de la demande d’infirmation ?

Certaines cours d’appel se sont prononcées dans des sens divergents.

En attendant un arrêt de la 2e chambre civile sur cette situation, l’avocat pourra, s’il représente l’appelant, conclure en rectifiant son omission que l’effet dévolutif de l’appel reste déterminé uniquement par la déclaration d’appel, mais également que l’énumération des chefs n’est pas une prétention autonome et que cette énumération vient seulement au soutien de la prétention d’infirmation. Dans cette même situation, s’il représente l’intimé, à l’inverse, l’avocat soutiendra que l’effet dévolutif a été modifié par le dispositif des conclusions adverses au regard des nouvelles dispositions qui circonscrivent, au dispositif des premières conclusions, l’étendue de la saisine de la Cour. Si aucun chef n’est visé, il pourrait opposer l’absence d’effet dévolutif total. Le principe de concentration devrait alors empêcher de compléter l’énumération dans des conclusions ultérieures. Pour l’ensemble de ces motifs, il échet d’énumérer l’ensemble des chefs critiqués et de n’en n’oublier aucun jusqu’au dernier jeu de conclusions. Concentré sur cette liste, il ne faut pas en oublier de formuler ses autres demandes « au fond ».

III° Le « statuant à nouveau » et les autres prétentions

En présence d’une demande d’infirmation des chefs critiqués, la partie récapitule dans le dispositif de ses conclusions toutes ses prétentions, tant celles qui ont été écartées en première instance, que les nouvelles qui peuvent l’être dans les limites de l’effet dévolutif et des articles 565 à 567 du Code de procédure civile. Pour rappel, la Cour ne statue que sur ce qui est demandé au dispositif. Le principe de concentration requière une attention particulière s’il est demandé l’annulation du jugement pour « un motif autre que l’irrégularité de l’acte introductif d’instance ». En effet, dans cette hypothèse et en application de l’article 562 du Code de procédure civile, l’effet dévolutif opérera pour le tout que l’appel annulation soit accueilli ou rejeté puisque la procédure n’est pas viciée ab initia. La Cour devra donc, dans tous les cas, statuer au fond. Ainsi, l’appelant doit penser à conclure subsidiairement à la réformation et au fond dans ses premières conclusions. À défaut, la cour d’appel ne pourra que confirmer le jugement (Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 22-11.804, F-B : JurisData n° 2024-002628 ; Procédures 2024, comm. 108, obs. S. Amrani Mekki)

E. – Modèle de dispositif de conclusions en appel

PAR CES MOTIFS

Vu les pièces communiquées sous bordereau annexé aux présentes,

Vu les articles …….. (préciser les textes visés).

Statuant sur l’appel formé par …….. (indiquer l’identité de l’appelant ; nom ; prénom ; forme ; dénomination) à l’encontre du …….. (préciser l’identité du défendeur) rendu le …….. (date) par …….. (préciser la juridiction).

Déclarer l’appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

Infirmer la décision entreprise des chefs suivants : ……. (lister tous les chefs de jugement critiqués).

Statuant à nouveau,

Récapituler toutes les prétentions.

Ex. : Condamner …….. (préciser) à payer à …….. (préciser) la somme de …….. (montant).

Débouter …….. (préciser) de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires, ainsi que de tout appel incident.

Condamner …….. (préciser) à payer à …….. (préciser) la somme de …….. (montant) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de 1re instance et d’appel.

 

© LEXISNEXIS SA

Publié par

Emmanuelle VAJOU

Avocate associée

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