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Indivisibilité et droit à indemnisation en cas de pluralité de victimes

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Publié le 12.08.2025

Solution

Il n’existe pas d’indivisibilité entre l’action de la victime directe et celle des victimes indirectes d’un dommage si le droit à indemnisation de la première a été reconnu et que l’appel est dirigé à son encontre sans que les secondes ne soient intimées.

Impact

Rappelant le critère d’impossibilité de poursuivre simultanément l’exécution des décisions pour caractériser l’indivisibilité d’un litige et donc l’obligation d’intimer, à peine d’irrecevabilité de l’appel, l’ensemble des parties, la Cour de cassation se penche sur une illustration concrète en matière de droit à indemnisation de victimes d’un accident de circulation.

Cass. 2e civ., 19 juin 2025, n° 22-22.795, F-B : JurisData n° 2025-009414

[…]

Vu l’article 553 du Code de procédure civile :

6. Aux termes de ce texte, en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, l’appel de l’une produit effet à l’égard des autres même si celles-ci ne se sont pas jointes à l’instance ; l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance.

7. En l’absence d’impossibilité d’exécuter simultanément deux décisions concernant les parties au litige, l’indivisibilité, au sens de ce texte, n’est pas caractérisée.

8. Pour déclarer irrecevable l’appel interjeté par l’assureur, l’arrêt relève que le tribunal, saisi par les consorts [B] d’une demande tendant à se voir reconnaître un droit à indemnisation intégrale des préjudices subis et à subir du fait de l’accident du 13 mars 2018, a dit que le droit à indemnisation de M. [Z] [B] était entier.

9. Il retient ensuite que si le jugement était infirmé sur le droit à indemnisation de M. [Z] [B], il en résulterait une contrariété de décision puisqu’en application de la décision entreprise, les proches de la victime principale, non attraites en appel, pourraient se prévaloir du caractère définitif à leur égard de sa disposition selon laquelle le droit à réparation de M. [Z] [B] est entier, les victimes tirant leurs droits du même fait dommageable.

10. L’arrêt en déduit qu’il y a bien une indivisibilité entre M. [Z] [B] et ses proches, rendant irrecevable l’appel interjeté contre le seul M. [Z] [B].

11. En statuant ainsi, alors qu’en l’absence d’impossibilité de poursuivre simultanément l’exécution, au profit des victimes indirectes, du jugement ayant retenu une absence de limitation du droit à indemnisation de M. [Z] [B] et, s’agissant de ce dernier, du jugement statuant à nouveau sur son droit à indemnisation, il n’existait pas d’indivisibilité entre ces actions, ce dont il résultait que l’appel était recevable bien que les victimes indirectes n’aient pas été intimées, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

[…].

NOTE : Syllogisme en silo

Souvent érigée comme postulat de l’indivisibilité, l’impossibilité de poursuivre simultanément l’exécution des décisions posée par la Haute Cour est la plupart du temps énoncée sans pour autant qu’elle ait l’opportunité de la confronter aux faits d’espèce. Mais il faut reconnaître que plus que la lecture de l’arrêt de cassation qui ne permet pas vraiment de prendre la mesure des choses, c’est celle de l’arrêt d’appel qui autorise une pleine appréhension de la portée de la solution.

Une victime d’un accident de la circulation et ses ayants droit avaient fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre le conducteur impliqué, la société de transport propriétaire du véhicule qu’il conduisait, l’assureur du transporteur, ainsi que de la CPAM. Le tribunal avait dit que le droit à indemnisation de la victime était entier, ordonné avant-dire droit une expertise et condamné les défendeurs à verser à la victime directe une somme de 50 000 € à valoir sur la réparation de son préjudice et débouté les trois ayants droit de leurs demandes d’indemnités provisionnelles. La société de transport et son assureur avaient relevé appel devant la cour d’appel de Versailles uniquement à l’encontre de la victime, du conducteur et de l’organisme social. Saisi d’un incident d’irrecevabilité de l’appel en raison de l’indivisibilité prétendue du litige, le Conseiller de la mise en état avait, selon ordonnance du 14 février 2022, jugé l’appel recevable et le conducteur victime, intimé sur l’acte d’appel, avait déféré la décision à la Cour sur le fondement de l’article 553 du Code de procédure civile. Il avançait que le litige étant indivisible entre lui et les victimes par ricochet, leur droit à réparation étant l’accessoire direct et immédiat de celui qui lui sera reconnu, l’appelant aurait dû intimer l’ensemble des parties. Au visa de l’article 553 du CPC, la cour d’appel de Versailles avait relevé que si elle infirmait le jugement sur le droit à indemnisation de la victime, il en résulterait une contrariété de décision puisqu’en application de la décision entreprise, les proches de la victime principale, non attraites en appel, pourront se prévaloir du caractère définitif à leur égard de sa disposition selon laquelle le droit à réparation de la victime principale qui sera le même que le leur, est entier. Elle poursuivait en précisant que les victimes tirent leurs droits du même fait dommageable de sorte qu’il y a bien indivisibilité du litige et concluait que l’appel n’étant pas recevable, l’ordonnance déférée devait être infirmée. La confrontation opérée par les juges d’appel entre l’indivisibilité et le risque de contrariété de décisions ou l’impossibilité d’exécuter simultanément plusieurs chefs de dispositifs de décisions dans un même litige était juste, c’est ce critère même qui est consacré par la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 7 janv. 2016, n° 14-13.721, F P+B : JurisData n° 2016-000025 ; JCP G 2016, act. 73, obs. C. Tirvaudey ; Dalloz actualité, 19 janv. 2016, obs. M. Kebir. – Cass. 2e civ., 5 janv. 2017, n° 15-28.356, F-D : JurisData n° 2017-000123 ; Procédures 2017, comm. 27, obs. H. Croze. – Cass. 2e civ., 13 juin 2024, n° 22-14.381, F-D : JurisData n° 2024-009155 ; Procédures 2024, comm. 195, obs. R.  Laffly . – Cass. 2e civ., 17 nov. 2022, n° 20-19.782, FS-B : JurisData n° 2022-019063 ; JCP G 2022, act. 1354, obs. G. Deharo ; Dalloz actualité, 6 janv. 2023, obs. R.  Laffly ). Ce sont toutefois les conséquences déduites qui n’étaient pas les bonnes. Le transporteur et son assureur à l’origine du pourvoi avancèrent ainsi devant la Cour de cassation l’absence d’indivisibilité propre à ce litige « alors que les actions en réparation tendant au paiement de sommes d’argent ne sont pas indivisibles ».

Intégralité du commentaire disponible sur www.lexis360intelligence.fr

PROCÉDURES – N° 08 – AOÛT 2025 – © LEXISNEXIS SA

Publié par

Romain LAFFLY

Avocat associé

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