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Preuve de réception des messages par la juridiction, l’instinct de conservation (Semaine Juridique – Édition Générale)

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Publié le 28.11.2025

Solution

Devant la cour d’appel, la responsabilité de l’enregistrement et de la conservation des échanges des messages mis à la disposition de la juridiction par les applications Winci CA et Comci CA ne peut incomber aux parties et à leurs avocats.

Impact

Par cette solution dégagée en parfaite conformité avec les derniers arrêtés techniques, la Cour de cassation juge que l’irrecevabilité de l’acte de procédure ne peut être encourue si l’avocat est en mesure de produire l’avis de réception émanant du greffe quand bien même la juridiction n’en trouverait trace.

Cass. 2e civ., 18 sept. 2025, n° 23-10.454, B : JurisData n° 2025-014842

Note 

Saisie sur déféré d’une ordonnance du conseiller de la mise en état du 1er février 2022 qui avait estimé prescrite l’action de l’appelante et l’avait déboutée de sa demande d’expertise, la cour d’appel de Grenoble (CA Grenoble, 4 oct. 2022, n° 22/00639) avait jugé sa requête en déféré irrecevable, motif pris qu’elle ne fournissait aucune explication sur le fait que les deux messages dont elle se prévalait n’avaient pas été enregistrés au Réseau privé virtuel des avocats (RPVA). La cour d’appel avait relevé en effet qu’elle avait été saisie du déféré le 14 février 2022 par voie de requête version papier et que les messages électroniques datés du 10 février 2022 versés aux débats par l’appelante étaient sujets à caution, aucune trace de leur existence n’ayant été trouvée au RPVA dans l’instance de déféré ou dans les autres instances pendantes devant la cour d’appel opposant les mêmes parties. Le moyen du pourvoi avançait que la responsabilité de la conservation des échanges incombait à la juridiction et non au justiciable ou à son avocat, de sorte que la cour d’appel avait violé l’article 930-1 du CPC, ensemble l’article 7 de l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel (A. n° JUST2002909A, 20 mai 2020 : JO 21 mai 2020). Au visa de ces deux articles, mais encore des articles 748-3, 748-6 du CPC, la deuxième chambre civile casse et annule l’arrêt en toutes ses dispositions et renvoie les parties devant la cour d’appel de Lyon en jugeant qu’« En statuant ainsi, alors que la responsabilité de l’enregistrement et de la conservation des échanges des messages mis à la disposition de la juridiction par les applications Winci CA et Comci CA ne peut incomber aux parties, la cour d’appel, qui aurait dû prendre en considération ces deux messages, a violé les textes susvisés ».

Curieuse amorce

On ne sait pas grand-chose de ce déféré à la lecture de l’arrêt, mais on apprend qu’il avait été exercé par l’appelante à la suite d’une ordonnance du conseiller de la mise en état rendue en février 2022 qui avait déclaré l’action par elle engagée prescrite et l’avait déboutée de sa demande d’expertise. La date de l’ordonnance renseigne sur le texte applicable, celui consacrant un commun pouvoir du juge et du conseiller de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir : l’article 789, 6° du CPC. Mais action et prescription discutées devant le conseiller de la mise en état ne font pas mon ménage. Le rôle du conseiller de la mise en état est limité de par une place qu’il occupe, nécessairement, postérieurement au juge de première instance et du juge de la mise en état. Et s’il ne saurait revenir sur une fin de non-recevoir tranchée en première instance, ce qui reviendrait pour lui à confirmer ou infirmer la décision dont appel au lieu et place de la cour, il n’a pas plus le pouvoir de juger « celles qui, bien que n’ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge », tandis qu’il n’est compétent que s’agissant des fins de non-recevoir touchant à la procédure d’appel comme l’a estimé selon la procédure d’avis la haute Cour (Cass. 2e civ., 3 juin 2021, n° 21-70.006, avis n° 15008 P : JurisData n° 2021-008382 ; Dalloz actualité, 17 juin 2021, obs. R.  Laffly  ; JCP G 2021, doctr. 1341, n° 6, obs. L. Veyre. – Cass. 2e civ., 11 oct. 2022, avis n° 22-70.010 : JurisData n° 2022-016491 ; JCP G 2022, act. 1185, obs. N. Gerbay ; Procédures 2022, comm. 268, obs. S. Amrani Mekki ; Dalloz actualité, 18 oct. 2022, obs. R.  Laffly ). Or, qu’un juge de première instance ait eu ou non à l’examiner, la prescription touche par essence à la première instance lorsqu’est discutée l’action du demandeur. D’un encadrement jurisprudentiel, on est ensuite passé à une limitation textuelle, celle de l’article 913-5 du CPC, créé par le décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 (V. JCP G 2024, prat. 209, Entretien E. Vajou) et applicable aux déclarations d’appel enregistrées à compter du 1er septembre 2024. Depuis l’avènement de ce texte spécial qui consacre, sans partage cette fois, ses pouvoirs, le conseiller de la mise en état est devenu juge des irrecevabilités d’appel, non plus des fins de non-recevoir, brisant depuis le cortège d’interrogations qui l’escortaient dans ce rôle si particulier. On le voit, même antérieure au décret de décembre 2023, cette situation ne lasse pas d’interpeller, celle dans laquelle un conseiller de la mise en état juge prescrite l’action d’une partie qui n’est pas n’importe quelle fin de non-recevoir. Elle touche directement à la première instance et, bien qu’elle ne puisse être relevée d’office, se trouve en prise directe avec l’introduction d’une action par une partie, pas son droit d’appel. L’arrêt a fait l’objet d’une cassation avec renvoi sur la recevabilité même du déféré mais, au-delà de ce point précis, la question du pouvoir du conseiller de la mise en état qui déclare prescrite l’action sur le fondement de l’article 789, 6° du CPC, au lieu et place de la cour d’appel, mérite d’être débattue.

Professionnels de la profession

Quant à la recevabilité stricto sensu du déféré, l’avocat de l’appelante avait agi en connaissance des strictes obligations qui le régissent. L’ordonnance du conseiller de la mise en état du 1er février 2022 avait été déférée à la cour par voie de requête, enregistrée électroniquement le 10 février, soit par RPVA et dans le délai compris de 15 jours prévu par l’article 916 du CPC qui court à compter de la date de l’ordonnance du conseiller de la mise en état et non de sa signification. Devant la très légère ambiguïté d’un texte qui précise que les ordonnances peuvent être déférées par requête à la cour « dans les quinze jours de leur date » comme le reprend l’article 913-8 nouveau du CPC applicable aux instances introduites au 1er septembre 2024, la réponse avait déjà sonné comme un avertissement d’une deuxième chambre civile qui s’adresse toujours, en procédure d’appel, aux professionnels de la profession censés maîtriser un texte qui « poursuit un but légitime de célérité de traitement des incidents affectant l’instance d’appel, en vue du jugement de celle-ci dans un délai raisonnable ; que l’irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà de ce délai ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge, dès lors que les parties sont tenues de constituer un avocat, professionnel avisé, en mesure d’accomplir les actes de la procédure d’appel, dont fait partie le déféré, dans les formes et délais requis » (Cass. 2e civ., 21 févr. 2019, n° 17-28.285 : JurisData n° 2019-002497 ; Dalloz actualité, 12 mars 2019, obs. R.  Laffly ). Qui peut le plus peut le moins, toujours dans le délai de 15 jours, l’appelante avait également déposé sa requête en version papier. Mais dès lors que la Cour de cassation juge aussi que, pour être recevable, le déféré doit être introduit obligatoirement par voie électronique (Cass. 2e civ., 1er juin 2017, n° 16-18.361 : JurisData n° 2017-010393 ; Dalloz actualité, 23 juin 2017, obs. R.  Laffly ), on comprend que devant la Cour de cassation saisie du pourvoi contestant l’arrêt d’irrecevabilité rendu sur déféré, la question de la preuve de son dépôt par voie électronique devenait cruciale. Et c’est peu dire qu’en cette matière c’est celle qui doit être suivie.

L’électronique c’est fantastique

Si la voie électronique doit être suivie à peine d’irrecevabilité, elle autorise aussi plus facilement la gestion de la preuve au moyen d’un système d’horodatage du RPVA de l’envoi des messages comme de réception par le destinataire. En l’espèce, non seulement la cour d’appel « aurait dû prendre en considération ces deux messages » comme le dit la Cour de cassation (et avant tout le second de réception de la requête par le destinataire), mais, ajoute-t-elle, la responsabilité de l’enregistrement et de la conservation des échanges des messages mis à la disposition de la juridiction par les applications Winci CA et Comci CA ne saurait incomber aux parties. La cour doit donc enregistrer, et conserver. Pour quelle raison finalement ? L’explication est tout aussi logique que technique. Le message de données relatif à l’envoi d’un acte de procédure remis par la voie électronique par l’avocat via « e-barreau » est constitué d’un fichier au format XML destiné à faire l’objet d’un traitement automatisé par une application informatique du destinataire. Du destinataire, donc du greffe. Or, il est bien évident que si l’avocat justifie de la preuve de la réception du message par son destinataire, il n’a pas, en plus, à fournir la preuve, qui par définition lui échappe, de sa conservation par le greffe. Elle lui échappe d’autant plus que ces applications informatiques, c’eût été trop simple, ne sont pas les mêmes entre avocats et juridictions. L’article 6 du décret précité du 20 mai 2020 précise qu’« Un courrier électronique expédié par la plate-forme de services « e-barreau » provoque l’envoi d’un avis de réception technique par le destinataire. Cet avis et celui mentionné au dernier alinéa de l’article 5 tiennent lieu de visa par la partie destinataire au sens de l’article 673 du code de procédure civile », tandis que l’article 7 ajoute que « Les courriers électroniques expédiés par les agents habilités de la juridiction ou les avocats, ainsi que le journal de l’historique des échanges, sont enregistrés et conservés au moyen de dispositifs de stockage mis à disposition de chaque juridiction au travers des applications Winci CA et ComCi CA ».

La réponse apportée par la deuxième chambre civile reste d’actualité en dépit de l’abrogation de cet arrêté de 2020 par les deux arrêtés du 29 août 2025 fixant la liste des dispositifs de communication électronique auxquels il peut être recouru pour les envois, remises et notifications mentionnés à l’article 748-1 du Code de procédure civile (A. n° JUST2523980A, 29 août 2025 : JO 31 août 2025) et modifiant l’arrêté du 24 octobre 2019 relatif aux caractéristiques techniques de la communication par voie électronique via la plateforme sécurisée d’échange de fichiers « PLINE » et « PLEX » et l’arrêté du 24 octobre 2019 autorisant la mise en œuvre d’un traitement automatise de données personnelles dénommé « PLINE » et « PLEX » (A. JUST2523976A, 29 août 2025 : JO 31 août 2025 ; JCP G 2025, act. 1060, Aperçu rapide R. Laffly et L. Vincent ; GPL 16 sept. 2025, n° 29, obs. C. Bléry). Une fois n’est pas coutume, et si l’on ne craint pas les acronymes, les arrêtés d’août 2025 simplifient tout un système qui a vu se succéder pas moins de dix arrêtés techniques entre 2008 et 2021 à la faveur d’un seul fusionnant les dispositifs de communication par voie électronique devant les cours d’appel auxquels il peut être recouru pour les envois, remises et notifications prévus à l’article 748-1 du CPC qui ouvre le Titre XXI « La communication par voie électronique ». Ces dispositifs apparaissent clairement dans une annexe en application du nouvel alinéa 2 de l’article 748-6 du CPC « pour chaque dispositif, son champ d’application et le cas échéant les interconnexions autorisées ». Et s’agissant de la présente problématique, le dispositif de communication électronique « ComCi CA », applicable à la procédure avec ou sans représentation obligatoire devant la cour d’appel ou son Premier président, indique que la composante de l’application Winci CA adossée au Réseau privé virtuel justice (RPVJ) est interconnectée au dispositif de communication électronique « e-barreau » au moyen du RPVA, cette plate-forme de services de communication électronique sécurisée étant opérée par un prestataire de services de confiance qualifié, agissant sous la responsabilité du Conseil national des barreaux. Les systèmes entre la cour et les avocats sont différents, et l’on voit que les responsabilités sont précisément partagées. Quant à la notification des écritures devant la cour il est prévu, expressis verbis, que l’envoi simultané au greffe et aux parties du fichier contenant les conclusions des parties, émis par la plate-forme de services « e-barreau », tient lieu de remise au greffe au sens de l’article 915-1 du CPC.

Instinct de conservation

Plus que celle de l’envoi du message, reste donc, pour l’avocat, à rapporter la preuve de sa réception par le destinataire. Si l’on sait qu’en procédure avec représentation obligatoire, les avocats doivent remettre tous leurs actes à la juridiction par voie électronique à peine d’irrecevabilité relevée d’office conformément à l’article 930-1 du CPC et que l’on ne compte plus les arrêts de cours comme de cassation s’exprimant sur le délicat sujet de la cause extérieure en cas de panne informatique du RPVA, la notion même de conservation de la preuve n’a que peu été débattue en haut lieu. Tout au plus la deuxième chambre civile a pu considérer, déjà au visa de l’article 748-3 précité, que le délai de l’intimé pour conclure démarrait à compter de la date de l’avis de réception électronique de la notification des conclusions de l’appelant effectué par le RPVA émis par le serveur de messagerie « e-barreau » de l’avocat constitué par l’intimé et qui tient lieu de visa par la partie destinataire (Cass. 2e civ., 21 janv. 2016, n° 14-29.207 : JurisData n° 2016-000611 ; Dalloz actualité, 8 févr. 2016, obs. R.  Laffly ). Elle a encore estimé que l’appelant qui ne peut produire un avis électronique attestant de la réception de la déclaration d’appel alors que celle-ci n’avait fait l’objet ni d’un accusé de réception par la cour ni d’un enregistrement dans son registre général et n’avait donc pas donné lieu à une instance d’appel, ne peut reprocher à la cour d’avoir déclaré son appel irrecevable (Cass. 2e civ., 17 mai 2023, n° 22-12.065 : JurisData n° 2023-007864 ; Dalloz actualité, 2 juin 2023, obs. C. Bléry).

On voit donc, contrairement à ce qu’une lecture en surface de cet arrêt pourrait laisser entendre, que la preuve de la réception incombe toujours à l’avocat, non pas au greffe, mais que c’est à celui-ci, confronté à un message de réception produit par l’auxiliaire de justice, d’apporter la preuve contraire. Et cette solution est en phase avec l’article 748-3 du CPC, dont l’alinéa 3, resté inchangé au gré des réformes répute que les avis électroniques de réception ou de mise à disposition tiennent lieu de visa, cachet et signature ou autre mention de réception qui sont apposés sur l’acte ou sa copie lorsque ces formalités sont prévues par le présent code. Au cas présent, l’avocat de l’appelante (ou son logiciel métier) avait bien pris soin de conserver la preuve de sa réception par le destinataire. Étaient produits deux messages RPVA datés du 10 février 2022, l’un de son conseil à 11h25 précisant envoyer au greffe la requête en déféré et à la pertinence bien relative, l’autre émanant du greffe de la première chambre de la cour à 11h47 accusant réception du message et à la légitimité cette fois-ci bien réelle. Pour autant, alors que l’avis même du greffe était versé au débat – dont on pourrait toujours débattre du contenu – la cour avait estimé le déféré irrecevable faute pour l’avocat de l’appelante de fournir une explication sur le fait que les deux messages du 10 février 2022 n’avaient pas été enregistrés au RPVA. Pour la cour d’appel, ces deux messages versés aux débats étaient sujets à caution. Drôle de moyen de renverser la charge d’une preuve rapportée.Et l’on eût voulu porter la suspicion sur l’authenticité de l’accusé de réception produit par l’avocat que l’on ne s’y serait pas mieux pris. Mais pas besoin d’avoir recours à un arrêté technique pour contester cette authenticité, il suffit d’en rapporter la preuve. Comme souvent, tout n’est question que de preuve finalement. Et le doute profite toujours à l’accusé. De réception.

SEMAINE JURIDIQUE EDITION GÉNÉRALE – NOVEMBRE 2025 – © LEXISNEXIS SA

Publié par

Romain LAFFLY

Avocat associé

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