Solution
En procédure orale, une fois que les parties ont rempli les formalités relatives à l’acte d’appel, la direction de la procédure leur échappe.
Impact
Sauf à ce qu’elles soient tenues d’accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la cour d’appel, les parties n’ont plus de diligences à accomplir en vue de l’audience à laquelle elles sont convoquées par le greffe et la péremption de l’instance ne saurait leur être opposée.
[…]
5. Vu les articles 386, 446-1, 932, 936 et 937 du Code de procédure civile :
6. Selon le premier de ces textes, l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant
deux ans.
7. Selon le troisième, dans la procédure sans représentation obligatoire, l’appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour d’appel.
8. Aux termes du quatrième, dès l’accomplissement des formalités par l’appelant, le greffe avise, par tous moyens, la partie adverse de l’appel, lui adresse une copie de la déclaration d’appel et l’informe qu’elle sera ultérieurement convoquée devant la cour.
9. Aux termes du dernier, le greffier de la cour convoque le défendeur à l’audience prévue pour les débats, dès sa fixation et quinze jours au moins à l’avance, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Le demandeur est avisé par tous moyens des lieu, jour et heure de l’audience. La convocation vaut citation.
10. Par ailleurs, selon le deuxième des textes susvisés, les parties présentent oralement à l’audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu’elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.
11. Il résulte de ce texte qu’en procédure orale, hors le cas où le juge organise les échanges entre les parties conformément à l’article 446-2 du Code de procédure civile, les parties ne sont pas tenues d’échanger des conclusions avant l’audience des débats.
12. Il découle de l’ensemble de ces textes qu’une fois que les parties ont rempli les formalités prévues à l’article 932 du Code de procédure civile, et à moins qu’elles ne soient tenues d’accomplir une diligence particulière mise à leur charge par la cour d’appel, la direction de la procédure leur échappe. Elles n’ont, dès lors, plus de diligences à accomplir en vue de l’audience à laquelle elles sont convoquées par le greffe.
13. En particulier, il ne saurait leur être imposé de solliciter la fixation de l’affaire à une audience à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption, laquelle ne peut leur être opposée pour ce motif.
14. Pour constater la péremption de l’instance, l’arrêt énonce que, si en procédure orale, les parties n’ont pas l’obligation de conclure, il leur appartient à tout le moins, si elles n’entendent pas le faire, de manifester leur intention de poursuivre l’instance en demandant la fixation de l’affaire à une audience, quelles que soient les chances de succès d’une telle demande, et, si au contraire elles entendent conclure, de le faire en temps voulu. Il retient que, la caisse ayant interjeté appel le 13 juillet 2020, les parties devaient accomplir une diligence avant le 13 juillet 2022. Il ajoute que la caisse a adressé ses premières conclusions le 4 novembre 2022 et que l’employeur a conclu le 9 décembre 2022 et n’a pas sollicité la fixation de l’affaire, laquelle a été fixée par le greffe au-delà du délai de deux ans par convocation du 6 septembre 2022. Il en déduit que l’instance est périmée, faute de diligence accomplie avant le 13 juillet 2022 et à défaut de fixation de l’affaire dans ce délai.
15. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations qu’aucune diligence particulière n’avait été mise à la charge des parties, la cour d’appel a violé les textes susvisés […].
Un rêve d’avocat
Rien d’autre à faire qu’interjeter appel. Un rêve d’avocat, un rêve d’avocat confronté à la procédure d’appel avec représentation obligatoire et aux délais « Magendie » impératifs pour signifier et conclure. Car en procédure sans représentation obligatoire, une fois que les parties ont accompli les formalités prévues à l’article 932 du Code de procédure civile, celle donc de relever appel par lettre recommandée (ou par voie électronique comme le consacre le dernier arrêté du 29 août 2025 fixant la liste des dispositifs de communication électronique en procédure écrite comme orale), elles n’ont, dès lors, plus de diligences à effectuer en vue de l’audience à laquelle elles sont convoquées par le greffe. Voilà qui est dit et bien dit, et il n’est pas neutre d’observer que l’arrêt est rendu au visa des articles 386, 446-1, 932, 936 et 937 du Code de procédure civile, sans recours, comme usuellement en procédure orale, à ceux propres à un contentieux sans représentation obligatoire. Bien plus, cette décision à portée générale émane, dans cette affaire qui avait pour origine un jugement du pôle social, de la deuxième chambre civile. Une chambre « procédure » au désir aussi récent qu’affirmé d’unification et de cohérence des régimes procéduraux, à commencer par celui de l’incident de péremption.
Car lorsque l’on discute diligences attendues des parties, on voit immédiatement poindre le danger sous-jacent d’une péremption qui percute des délais d’audiencement qui s’allongent tout aussi dangereusement. La prise de conscience de la Cour de cassation a sans doute été trop longue à venir, elle qui considérait qu’en procédure écrite, quand bien même les avocats des parties avaient accompli l’ensemble de leurs obligations dans les délais imposés, ils devaient encore solliciter la clôture ou la fixation de l’affaire s’ils voulaient échapper à la péremption. Après avoir opéré au gré de différents arrêts par quelques touches et retouches successives, la deuxième chambre civile affirma par quatre arrêts de revirement que « la demande de fixation de l’affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d’appel saisie se trouve dans l’impossibilité, en raison de rôles d’audience d’ores et déjà complets, de fixer l’affaire dans un délai inférieur à deux ans » et que les parties n’ont pas à solliciter la fixation de l’audience à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption si le conseiller de la mise en état n’a pas été en mesure de fixer la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries (Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-19.475, FS-B : JurisData n° 2024-002632. – Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-19.761, FS-B : JurisData n° 2024-002634. – Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-20.719, FS-B : JurisData n° 2024-002637. – Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-23.230, FS-B : JurisData n° 2024-002635 ; Procédures 2024, comm. 110, obs. R. Laffly ; GPL 2024, n° 13, p. 46, note S. Amrani-Mekki ; Dalloz actualité, 20 mars 2024, obs. M. Barba). On voit donc, et c’est heureux, l’appréhension de la problématique entre procédure écrite et orale se rejoindre, déjà, sur le point commun d’une durée de la procédure qui ne saurait se retourner contre des parties qui ne la maîtrise pas.
Mais alors qu’était consacré par ces arrêts le principe qu’une fois que les parties avaient accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne pouvait plus courir à leur encontre sauf si le Conseiller de la mise en état fixait un calendrier ou une injonction d’accomplir une diligence particulière, fallait-il se pencher de nouveau sur une procédure orale oxymorique, , puisque de plus en plus écrite à l’instar de la rédaction de l’article 446-2 cité du CPC (V. CPC, art. 446-1 et 446-2, depuis le décret n° 2025-619 du 8 juillet 2025 applicable au 1er septembre 2025) auquel renvoie d’ailleurs expressément l’article 939. Un article 446-2, on le notera en passant, copie quasi conforme du célèbre article 954 du Code de procédure civile. Dit autrement, pourquoi donc l’appelant pourrait, en procédure sans représentation obligatoire, laisser s’écouler un délai de plus de 2 ans à compter de sa déclaration d’appel sans accomplir la moindre diligence et sans risque de péremption ?
REVUE PROCÉDURES – DÉCEMBRE 2025 – © LEXISNEXIS SA