Solution
Dès lors que la décision dont appel ne comprend qu’un chef de dispositif ce dont il se déduit que l’appelant critique nécessairement ce chef s’il forme un « appel total », la cour d’appel ne peut retenir que l’effet dévolutif n’a pas joué et dire qu’elle n’est pas saisie.
Impact
Par ces deux arrêts publiés, la deuxième Chambre civile, au risque de surprendre, continue à assouplir les règles d’exigence rédactionnelle de la déclaration d’appel.
Cass. 2e civ., 10 juill. 2025, n° 22-23.553, F-B : JurisData n° 2025-010728
[…]
Vu les articles 562 et 901,4°, du Code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891
du 6 mai 2017 :
7. Selon le premier de ces textes, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
8. Selon le second, la déclaration d’appel est faite par acte, contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
9. Pour constater que la cour d’appel n’est saisie d’aucune demande et dire n’y avoir lieu à statuer, l’arrêt retient que la déclaration d’appel se contente de reprendre et de critiquer la motivation des premiers juges et, en l’absence des chefs critiqués dans la déclaration d’appel, n’opère aucun effet dévolutif.
10. En statuant ainsi, alors que l’ordonnance frappée d’appel ne comprenait qu’un chef de dispositif et que la déclaration d’appel précisait porter sur la totalité du jugement, ce dont il se déduisait que l’appelante critiquait nécessairement ce chef, la cour d’appel a violé les textes susvisés […].
[…]
Vu les articles 562 et 901, 4°, du Code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :
3. Selon le premier de ces textes, l’appel défère à la cour d’appel la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
4. Selon le second, la déclaration d’appel est faite par acte contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
5. Pour constater que l’effet dévolutif de l’appel n’a pas opéré et que la cour d’appel n’est pas saisie, l’arrêt retient que la déclaration d’appel du 18 octobre 2018 mentionne « appel total » ainsi que les demandes de l’appelante, qu’aucune pièce n’est jointe à la déclaration d’appel, et qu’il n’existait aucune impossibilité pour l’appelante de viser les chefs de jugement critiqués, cette critique devant se faire expressément dans la déclaration d’appel et non pas par déduction.
6. En statuant ainsi, alors que le jugement frappé d’appel ne comprenait qu’un seul chef de dispositif, déboutant l’appelante de l’intégralité de ses demandes, ce dont il se déduisait qu’elle critiquait nécessairement ce chef de dispositif, la cour d’appel a violé les textes susvisés […].
Où s’arrêtera la deuxième chambre civile ?
Franchement, il n’y aurait pas grand-chose à dire de ces deux arrêts destinés à la publication à la lecture combinée des articles 562 et 901, 4° du Code de procédure civile, c’est-à-dire rendus sous le sceau d’un article qui comprend l’effet dévolutif de la Cour au regard des chefs de jugement critiqués et d’un second qui vise, à peine de nullité seulement, une déclaration d’appel contenant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité. Rien à dire si l’on fermait les yeux sur la jurisprudence ancrée de la Cour de la cassation et particulièrement sur celle de la deuxième Chambre civile rendue au visa de ces deux mêmes articles : l’appel total, c’est-à-dire formé sans précision des chefs de jugement critiqués, n’emporte pas effet dévolutif (Cass. 2e civ., 30 janv. 2020, n° 18-22.528, FS-P+B+I : JurisData n° 2020-001105 ; JCP G 2020, 336, obs. Ph. Gerbay ; Procédures 2020, comm. 55, obs. H. Croze ; Dalloz actualité, 17 févr. 2020, obs. R. Laffly ; D. 2020, p. 576, obs. N. Fricero ; D. 2020, p. 1065, chron. N. Touati, C. Bohnert, S. Lemoine, E. de Leiris et N. Palle ; D. avocats 2020, p. 252, étude M. Bencimon ; RTD civ. 2020, p. 448, obs. P. Théry ; RTD civ. 2020, p. 458, obs. N. Cayrol). Sans échappatoire possible : peu important que les conclusions permettent de connaître cet effet dévolutif (Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n° 19-16.954, F-P+B+R+I : JurisData n° 2020-009390 ; Procédures 2020, comm.163, obs. S. Amrani-Mekki ; Dalloz actualité, 18 sept. 2020, obs. R. Laffly . – Cass. 2e civ., 25 mars 2021, n° 20-12.037, F-P : JurisData n° 2021-004007 ; JCP G 2021, doctr. 591, obs. L. Mayer ; Dalloz actualité, 26 avr. 2021, obs. R. laffly ), ou que l’acte d’appel précise qu’il poursuit la réformation du jugement (Cass. 2e civ., 25 mars 2021, n° 20-12.037, F-P- : Dalloz actualité, 26 avr. 2021, obs. R. Laffly ), ou que le conseiller de la mise en état a précédemment écarté la demande de nullité de l’acte d’appel faute de grief pour l’intimé (Cass. 2e civ., 19 mai 2022, n° 21-10.685, F-B- : Dalloz actualité, 15 juin 2022, obs. R. Laffly ), ou encore que la déclaration d’appel mentionne que l’appel porte sur toutes les dispositions du jugement (Cass. 2e civ., 26 oct. 2023, n° 21-23.012, F-B : JurisData n° 2023-018021 ; Procédures 2024, comm. 1, obs. R. Laffly ). Mieux, ou pire, dans ce dernier arrêt qui n’a pas 2 ans, la Cour de cassation estimait, au visa toujours des articles 562 et 901, 4° du Code de procédure civile, que « ces règles encadrant les conditions d’exercice du droit d’appel dans les procédures avec représentation obligatoire qui résultent clairement des textes applicables, sont dépourvues d’ambiguïté et présentent un caractère prévisible ».
C’était hier et aujourd’hui tout a changé. Car si l’on compare la motivation de cet arrêt d’octobre 2023 avec les deux arrêts de juillet 2025 rendus pourtant sous une même présidence, on observe un changement de paradigme pour ne pas dire une petite révolution, en continuum toutefois.
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PROCÉDURES – N° 10 – OCTOBRE 2025 – © LEXISNEXIS SA