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Expropriation et notification des conclusions par voie électronique

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Publié le 25.11.2025

Solution

Dans le contentieux de l’expropriation, le délai de 3 mois dans lequel l’intimé doit conclure ou former un appel incident court à compter de la première notification valable des conclusions de l’appelant faite par le greffe ou l’appelant lui-même, le cas échéant par voie électronique.

Impact

Par cette solution nouvelle qui consacre enfin en matière d’expropriation la communication par voie électronique, la Cour de cassation module les effets de sa jurisprudence en admettant que l’application immédiate de cette règle de procédure dans l’instance en cours aboutirait à priver l’expropriée, qui ne pouvait anticiper ce revirement, d’un procès équitable en lui interdisant de faire valoir ses arguments et pièces.

Cass. 3e civ., 10 juill. 2025, n° 24-10.402, FS-B : JurisData n° 2025-011017

[…]

Vu les articles R. 311-26 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et 748-1 du Code de procédure civile :

4. Selon le premier de ces textes, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, l’intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu’il entend produire, et forme le cas échéant appel incident, dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant. L’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui lui en est faite pour conclure. Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

5. Selon le second, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le titre XXI du livre I du Code de procédure civile, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l’usage de ce mode de communication.

6. Aucune disposition du Code de l’expropriation n’exclut, devant la cour d’appel, la faculté pour les parties d’effectuer par voie électronique l’envoi, la remise et la notification des actes de procédure, instituée par l’article 748-1 du Code de procédure civile, cette faculté étant subordonnée, en application de l’article 748-6 du même code, à l’emploi de procédés techniques garantissant, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, la fiabilité de l’identification des parties, l’intégrité des documents, ainsi que la confidentialité et la conservation des échanges, et permettant la date certaine des transmissions.

7. D’une part, il était jugé, au vu des dispositions liminaires de l’article 1er de l’arrêté du garde des Sceaux du 5 mai 2010, relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d’appel, qu’une telle garantie n’était prévue que pour l’envoi, par un auxiliaire de justice, de la déclaration d’appel, de l’acte de constitution et des pièces qui leur sont associées, à l’exclusion des écritures des parties (3e Civ., 23 septembre 2020, pourvoi n° 19-16.092, publié).

8. D’autre part, il était jugé qu’en procédure d’expropriation, le délai dont dispose l’intimé pour conclure ou former appel incident ne court qu’à compter de la notification des conclusions de l’appelant par le greffe (3e Civ., 19 décembre 2019, pourvoi n° 18-24.794, publié).

9. Cependant, le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a rendu la représentation par avocat obligatoire en matière d’expropriation depuis le 1er janvier 2020.

10. En outre, l’article 2 de l’arrêté du 20 mai 2020 « relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel », qui a abrogé l’arrêté du 5 mai 2010 précité, autorise désormais, par renvoi à l’article 748-1 du Code de procédure civile, les envois, remises et notifications par voie électronique entre avocats, ou entre un avocat et la juridiction, dans le cadre d’une procédure avec ou sans représentation obligatoire devant la cour d’appel ou son premier président, des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles.

11. Il en découle que les notifications et dépôts visés à l’article R. 311-26, qu’il s’agisse de la notification des conclusions ou documents des parties entre elles, au greffe ou par le greffe, peuvent désormais être faits par voie électronique, sans préjudice du maintien de l’usage du support papier par le greffe s’agissant des notifications faites au commissaire du gouvernement ou de celles auxquelles celui-ci procède.

12. Le délai de trois mois dans lequel l’intimé doit conclure ou former un appel incident court à compter de la première notification valable des conclusions de l’appelant faite par le greffe ou l’appelant lui-même, le cas échéant par voie électronique.

13. L’application immédiate de cette règle de procédure dans l’instance en cours aboutirait à priver l’expropriée, qui n’a pu raisonnablement anticiper ce revirement de jurisprudence, d’un procès équitable, au sens de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en lui interdisant de faire valoir ses arguments et pièces.

14. Dès lors, à l’occasion du présent pourvoi, il ne peut être fait application de la nouvelle règle de procédure énoncée aux paragraphes précédents, de sorte que la cassation de l’arrêt n’est pas encourue et que le moyen ne peut être accueilli […].

Aux bons soins de la communication électronique

L’avalanche des textes de procédure est telle que, le plus souvent, elle contraint le commentateur à mettre en perspective la solution d’un arrêt de cassation rendu au visa d’un texte avec le nouvel arrivant. Ceux relatifs à la communication par voie électronique, matière frappée d’inflation normative, ne font pas exception, ils se succèdent au même rythme que les gouvernements.

Rappelant l’article 2 de l’arrêté du 20 mai 2020 « relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel » visant tous les actes de procédure tandis que la représentation par avocat est devenue obligatoire en matière d’expropriation avec le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, cette solution ressort encore renforcée par l’un des deux arrêtés du 29 août 2025 « fixant la liste des dispositifs de communication électronique auxquels il peut être recouru pour les envois, remises et notifications mentionnés à l’article 748-1 du Code de procédure civile » (n° JUST2523980A) et abrogeant pas moins de dix arrêtés techniques parmi lesquels, précisément, celui du 20 mai 2020 (JCP G 2025, n° 1060, La semaine du droit, obs. R. Laffly et L. Vincent). On ne pourra donc en faire le reproche à la Cour de cassation. Mais avec cet arrêté d’août 2025, c’est un « tout en un » et c’est peu dire que la solution de la troisième chambre civile ne souffre pas de discussion tant au regard de l’arrêté de 2020 que de celui, en forme de synthèse comme d’apothéose, de 2025.

Avec cette décision, la Cour de cassation juge pour la première fois, au visa des articles R. 311-26 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et 748-1 du Code de procédure civile, que le délai de 3 mois dans lequel l’intimé doit conclure ou former un appel incident, court à compter de la première notification valable des conclusions de l’appelant faite par le greffe ou l’appelant lui-même, le cas échéant par voie électronique. Non seulement le RPVA peut être utilisé pour notifier les écritures mais c’est donc cette notification directe par voie électronique qui peut faire courir le délai impératif pour répondre et non plus celle des conclusions de l’appelant remises par le greffe.

Si cette consécration de la voie électronique induit donc un point de déclenchement du délai pour conclure auquel les avocats devront prendre garde et très vite s’habituer, elle est aussi gage de sécurité. On se souvient en effet de l’émoi suscité par la position antérieure de la deuxième chambre civile qui jugeait, avant l’arrêté de 2020, que si l’acte d’appel en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique pouvait être adressé par RPVA par application d’un arrêté de 2010, les mémoires des parties notifiés dans la même instance et sous cette même forme électronique étaient irrecevables faute d’arrêté technique

REVUE PROCÉDURES – NOVEMBRE 2025 – © LEXISNEXIS SA

Publié par

Romain LAFFLY

Avocat associé

Expropriation et notification des conclusions par voie électronique

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