Solution
Tant que l’appel irrégulier n’a pas été jugé irrecevable et dès lors que l’appelant se trouve dans le délai pour former un second appel, l’appelant peut former un nouvel appel sans qu’il puisse lui être opposé l’absence d’intérêt à relever appel.
Impact
Par cet arrêt essentiel, la Cour de cassation conforte sa précédente jurisprudence de 2020 en consacrant, pour tout type d’irrégularité affectant une déclaration d’appel, le droit pour l’appelant de réparer une erreur.
Cass. 2e civ., 30 avr. 2025, n° 22-20.064, F-B : JurisData n° 2025-005955
[…]
Vu les articles 546 et 911-1, alinéa 3, du Code de procédure civile :
6. Selon le premier de ces textes, le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé. Selon le second, la partie dont l’appel a été déclaré irrecevable n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie.
7. Il en découle qu’une déclaration d’appel irrégulière faute d’avoir été communiquée par le réseau privé virtuel avocats, qui fait encourir une irrecevabilité à l’appel, n’interdit pas à son auteur de former un second appel, sous réserve de l’absence d’expiration du délai d’appel, tant que le premier appel n’a pas été déclaré irrecevable.
8. Pour confirmer l’ordonnance ayant déclaré irrecevable le second appel relevé par Mme [U], l’arrêt relève qu’elle a interjeté appel du jugement entrepris par une déclaration du 4 décembre 2020 déclarée irrecevable par une ordonnance du 30 décembre 2020 pour ne pas avoir été formée par RPVA et par l’intermédiaire d’un avocat constitué et que, sans attendre le prononcé de cette irrecevabilité, son conseil a déposé par RPVA une seconde déclaration d’appel le 18 décembre 2020.
9. L’arrêt en déduit que, la cour d’appel étant saisie au 18 décembre 2020 d’un appel dont l’irrecevabilité ou la caducité n’avait pas encore été constatée, le second appel est irrecevable faute pour l’appelante de démontrer un intérêt à interjeter appel.
10. En statuant ainsi, alors que le premier appel n’ayant pas été transmis par avocat et par voie dématérialisée était irrégulier, la cour d’appel, qui aurait dû constater que le second appel, transmis par le RPVA dans le délai d’appel et avant le prononcé de l’irrecevabilité du premier, était recevable, a violé les textes susvisés […].
NOTE : OUF !
Il a fallu attendre presque 5 ans pour que la deuxième chambre civile récidive. Et la motivation est limpide. Dans un arrêt décisif, la Cour de cassation avait en effet jugé que dès lors que le premier acte d’appel n’a pas été jugé irrecevable, l’appelant, s’il est toujours dans le délai légal, peut former un nouvel appel (Cass. 2e civ., 1er oct. 2020, n° 19-11.490, P+B+I : JurisData n° 2020-015328 ; Dalloz actualité, 28 oct. 2020, obs. R. Laffly ; JCP G 2020, act. 1165, obs. R. Guicchard). Avec cet arrêt de Section, publié, la deuxième chambre civile avait battu en brèche son ancienne jurisprudence qui obligeait l’appelant à attendre que la sanction d’irrecevabilité ou de caducité soit prononcée pour qu’il démontre son intérêt à former un nouvel appel. Vertu du temps qui passe que d’asseoir une jurisprudence, mais il fait aussi naître l’inquiétude lorsque, comme au cas présent, aucun nouvel arrêt publié n’intervient durant des années alors que la précédente décision a été rendue dans des circonstances particulières. Car si la position de la Cour de cassation qui offrait une lecture avisée du nouvel article 911-1 du Code de procédure civile issu du décret du 6 mai 2017 n’avait jamais été démentie depuis 2020, l’arrêt avait été rendu au regard d’une situation bien précise : le premier appel avait été interjeté devant une cour d’appel incompétente, régularisé le lendemain par une seconde déclaration d’appel devant la Cour effectivement compétente. Or, on sait que l’appréciation de l’exception d’incompétence peut autoriser un raisonnement différent, plus favorable à l’appelant, la Haute Cour ayant d’ailleurs reviré en acceptant une régularisation de la saisine d’une juridiction incompétente si, au jour où elle intervient, dans le délai d’appel interrompu par une première déclaration d’appel formée devant une juridiction incompétente, aucune décision définitive d’irrecevabilité n’est intervenue (Cass. 2e civ., 5 oct. 2023, n° 21-21.007, FS-B : JurisData n° 2023-016671 ;Procédures 2023, comm. 314, obs. S. Amrani-Mekki ; Dalloz actualité, 19 oct. 2023, obs. M. Barba). Mais dans la situation « classique » du 30 avril 2025, les deux appels avaient été formés devant la même cour d’appel, la première déclaration d’appel n’ayant pas été formalisée par voie électronique ni par avocat constitué, la seconde, faite dans le délai légal avant que l’irrecevabilité ne soit prononcée, ayant été effectuée régulièrement.
Faute pour l’arrêt du 1er octobre 2020 d’avoir suffisamment infusé en l’absence de redites, la cour d’appel d’Aix-en-Provence s’était placée sur le défaut d’intérêt à interjeter appel, qui doit être apprécié au jour de l’appel, pour conclure que tant que l’irrecevabilité du premier appel n’avait pas été prononcée, le second appel était irrecevable.
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PROCÉDURES – N° 07 – JUILLET 2025 – © LEXISNEXIS SA