LX Académie

Une académie

LX Innovation, solutions pour avocats

Un lab innovation

Commissaires de justice

Une étude de commissaires de justice

Anciennement Huissiers de justice

Actualités / Articles

Le projet de décret « Rivage » : une révolution silencieuse qui menace le droit d’appel

Voir toutes les actualités

Publié le 03.12.2025

Communiqué de presse - Paris, le 3 décembre 2026. La Chancellerie s'apprête à bouleverser en profondeur notre système judiciaire. Sous l'appellation technique de « Rationalisation des instances en voie d'appel pour en garantir l'efficience » (Rivage), se cache une remise en cause frontale du double degré de juridiction, cette garantie fondamentale contre l'erreur et l'arbitraire.

Les trois coups portés au droit d’appel

Le projet initial prévoit trois mesures qui restreignent drastiquement l’accès à la justice d’appel. Premièrement, le doublement du taux de ressort qui passerait de 5 000 à 10 000 euros, privant ainsi d’appel tous les justiciables dont le litige se situe entre 5 001 et 10 000 euros, sans aucune considération pour la complexité juridique de leur affaire. Deuxièmement, le rehaussement du seuil du préalable amiable obligatoire au même niveau, créant une double peine pour les justiciables modestes : obligation de franchir un obstacle amiable avant même d’accéder au premier juge, puis privation d’appel en cas de succombance. Troisièmement, l’instauration d’un filtrage sommaire des appels manifestement irrecevables par ordonnance d’un magistrat unique.

La note de cadrage révèle les véritables intentions

Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Suite aux réactions hostiles des instances représentatives des avocats, la Chancellerie a diffusé une note de cadrage qui dévoile deux propositions nouvelles d’une audace confondante, absentes du projet initial.

La première innovation consiste en un filtrage des appels manifestement infondés. Sous prétexte de « ne pas attendre plusieurs mois une décision inévitable de confirmation », cette mesure introduirait une révolution procédurale : un magistrat unique pourrait désormais rejeter un appel sans débat contradictoire complet, privant les parties d’un examen au fond par une cour d’appel collégiale. Cette notion d’appel manifestement infondé, insaisissable et complexe, introduit un risque d’arbitraire et de subjectivité considérable, supprimant la garantie de la collégialité essentielle au procès équitable.

La seconde proposition est encore plus radicale : l’instauration d’une autorisation préalable d’interjeter appel. Ce système, totalement inconnu du droit français, vise à créer « une étape préalable devant le premier président pour discuter des mérites d’un appel ». Cette procédure concernerait certains contentieux spécifiques : référés, juge aux affaires familiales et litiges de moins de 40 000 euros. Concrètement, l’appel ne serait plus un droit mais deviendrait une faveur soumise à l’appréciation discrétionnaire du premier président. En cas de refus, le jugement de première instance deviendrait irrévocable, supprimant purement et simplement le double degré de juridiction pour les justiciables dont l’appel serait jugé insuffisamment méritoire.

Une atteinte aux principes fondamentaux

Ces propositions constituent une remise en cause fondamentale du droit d’appel tel qu’il existe en France. Elles méconnaissent les fonctions essentielles de l’appel : garantie contre l’erreur judiciaire, sécurité juridique, acceptation sociale des décisions et régulation de la qualité des jugements de première instance. Elles créent une rupture d’égalité entre les justiciables, distinguant les bons et mauvais appels selon l’appréciation subjective d’un magistrat unique, et introduisant une discrimination selon la nature ou le montant du litige.

L’autorisation préalable d’appel pourrait même être jugée contraire aux exigences de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit un droit à un tribunal effectif et non illusoire.

De la rationalisation à la confiscation

Derrière l’objectif affiché de rationalisation et d’efficience de la justice d’appel, se profile une logique exclusivement gestionnaire visant à réduire le stock des affaires pendantes en limitant le flux entrant. Cette prétendue rationalisation masque en réalité une politique de gestion de la pénurie et une véritable confiscation du droit d’accès au juge.

Le projet « Rivage » a été conçu dans le secret des cabinets ministériels, sans concertation véritable, sans étude d’impact sérieuse, sans réflexion sur les alternatives possibles. Il ne s’agit pas de simples aménagements techniques mais d’une remise en cause frontale du droit d’appel, principe politique fruit de siècles de lutte contre l’arbitraire.

« Le projet de décret Rivage et pire, la note de cadrage qui annonce les concertations sur ledit projet, envisagent de transformer le droit d’appel en privilège discrétionnaire en instaurant une autorisation préalable pour certains contentieux et un filtrage des appels jugés « manifestement infondés » par un magistrat unique. Cette réforme, si elle devait aboutir, priverait des milliers de justiciables de la garantie fondamentale du double degré de juridiction. », souligne Matthieu BOCCON-GIBOD, avocat associé LX Paris-Versailles-Reims.

Les justiciables, les avocats et tous les acteurs du monde juridique doivent être alertés de cette révolution silencieuse qui menace les fondements mêmes de notre système judiciaire.

Décret RIVAGE - LX Avocats

Partager l'actualité

Recevez nos actualités

Lire la suite

Publié le 03.12.2025

Articles

L’audience de règlement amiable (ARA) : décret n°2025-660 du 18/07/2025 sur l’instruction conventionnelle et la recodification des MARD

Lire la suite

Publié le 28.11.2025

Articles

Preuve de réception des messages par la juridiction, l’instinct de conservation (Semaine Juridique – Édition Générale)

Lire la suite

Publié le 26.11.2025

Articles

Effet dévolutif de l’appel à l’épreuve du dispositif des conclusions : quand la Cour de cassation refuse d’appliquer le texte