Solution
Encourt la cassation l’arrêt de la cour d’appel qui qualifie les écritures de l’appelant de dernières conclusions et statue au vu de celles-ci pour confirmer le jugement alors que des conclusions postérieures avaient été régulièrement déposées.
Impact
Par la pratique du dépôt du dossier de plaidoirie consistant à remettre les dernières conclusions avec le justificatif de leur notification par voie électronique contre la lettre du Code de procédure civile, les acteurs du procès sont confrontés à un risque accru de cassation.
Cass. 2e civ., 12 juin 2025, n° 23-10.070, F-D
[…]
Vu les articles 455 et 954, alinéa 4, du Code de procédure civile :
5. Il résulte de ces textes que le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées.
6. Pour confirmer le jugement déféré, l’arrêt se prononce au visa de conclusions qualifiées par lui de dernières conclusions remises au greffe le 2 juillet 2021, en exposant succinctement les prétentions des appelants.
7. En statuant ainsi, alors qu’il résulte des productions que M. [U] avait déposé, le 14 février 2022, des conclusions complétant les précédentes, en produisant de nouvelles pièces visées dans le bordereau figurant en annexe, la cour d’appel, qui s’est prononcée par des motifs dont il ne résulte pas qu’elle aurait pris en considération ces conclusions, a violé les textes susvisés […].
NOTE : Dossier de plaidoirie, le piège
Voilà une solution d’une banalité confondante, ce qui la rend d’autant plus remarquable. Remarquable non par l’évidence de sa réponse au regard d’un article 954, alinéa 4 du Code de procédure civile qui dispose que « la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées » et qui faisait, qu’ici, la messe était dite, mais parce qu’elle met en lumière une situation à laquelle les parties sont trop souvent confrontées et qui s’explique, le plus souvent, par une face cachée des usages auprès des cours d’appel.
La succession des dates ne laissait pas de place au doute. La cour d’appel de Paris avait statué en se fondant sur des conclusions notifiées par l’appelant en juillet 2021 tandis qu’il était constant qu’il avait déposé de nouvelles écritures en février 2022. Alors que la clôture prévue le 14 décembre 2021 avait été révoquée, la Cour avait visé les seules conclusions notifiées le 2 juillet 2021 sans prendre en compte les conclusions, recevables, notifiées postérieurement en février 2022.
Par application de l’article 455, alinéa 1er du Code de procédure civile qui dispose notamment que « le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date », le visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date n’est nécessaire que si le juge n’expose pas succinctement leurs prétentions et leurs moyens (Cass. 2e civ., 13 déc. 2012, n° 11-27.538, P+B : JurisData n° 2012-029216. – Cass. 2e civ., 19 nov. 2020, n° 19-19.514, F-P+B+I : JurisData n° 2020-018942 ; Dalloz actualité, 23 déc. 2020, obs. R. Laffly ). Si le visa de la date des conclusions était bien sûr possible comme l’a déjà confirmé la Haute Cour (Cass. 2e civ., 21 févr. 2013, n° 11-24.421, P+B : JurisData n° 2013-002696), la cour de Paris avait à la fois précisé la date des « dernières conclusions » et exposé succinctement les prétentions des parties. Mais encore fallait-il viser les bonnes conclusions ! Face au justificatif RPVA produit à hauteur de cassation qui attestait, sans conteste, que les véritables dernières conclusions étaient celles déposées en février 2022, la qualification de dernières conclusions par la cour d’appel d’écritures notifiées des mois auparavant signait l’erreur.
Mais une question reste en suspens : comment peut-on en arriver là ? Depuis le temps, la règle selon laquelle la Cour ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées est pourtant apprise, elle fêtera bientôt ses 30 ans ! Surtout qu’en procédure avec représentation obligatoire, la remise des conclusions à la juridiction est prévue à peine d’irrecevabilité par voie électronique conformément à l’article 930-1 du Code de procédure civile et l’horodatage, à la minute près, devrait ainsi exclure tout risque d’erreur. Mais en réalité, nombre de Cours, plutôt que de se référer aux conclusions électroniques des parties qui seules font foi et assurent une sécurité juridique comme une intégrité propre à assurer le respect du contradictoire, se fondent sur l’exemplaire papier qu’elles sollicitent en même temps que le dossier de plaidoirie.
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PROCÉDURES – N° 08 – AOÛT 2025 – © LEXISNEXIS SA