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Indivisibilité de la péremption

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Publié le 20.05.2025

Solution

Par nature indivisible, la péremption, lorsqu’elle est demandée par une des parties, éteint l’instance au profit de toutes les autres.

Impact

Si la Cour de cassation réaffirme le caractère indivisible de la péremption avec cet arrêt, les conséquences induites ne cessent d’interroger.

Cass. 2e civ., 6 mars 2025, n° 22-17.609, F-B : JurisData n° 2025-002238

[…]

11. Étant par nature indivisible, la péremption prévue à l’article 386 du Code de procédure civile, lorsqu’elle est demandée par une des parties, éteint l’instance au profit de toutes les autres.

12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du Code de procédure civile, l’arrêt qui a déclaré l’appel irrecevable à l’égard de toutes les parties intimées, est légalement justifié.

13. Le moyen, ne peut, dès lors, être accueilli.

Par ces motifs, la Cour : rejette le pourvoi

[…]

2e esp. : Cass. 2e civ., 27 mars 2025, n° 22-20.067, FS-B : JurisData n° 2025-003485

[…]

16. Pour confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du 16 juin 2021 ayant constaté la péremption, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, d’une part, que le simple changement d’avocat n’est pas de nature à faire progresser une affaire et que si M. [M] s’est constitué pour Mme [B] qui souhaitait changer de conseil à la suite de son divorce d’avec M.[O], une telle constitution ne saurait caractériser une diligence interruptive de péremption, d’autre part, que la sommation de communiquer délivrée le 17 juillet 2017 par M. [M], dans le contexte rappelé plus haut d’un changement d’avocat, ne saurait non plus être regardée comme une demande faisant progresser l’affaire et ne vise qu’à l’obtention des écritures et pièces déjà échangées par les parties sans apporter d’élément nouveau.

17. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’absence de diligences interruptives de péremption, au regard des conditions mentionnées au paragraphe 15, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

[…].

NOTE : Indivisible, naturellement ?

Le 8 mai 2018, une société, cessionnaire d’une créance dans le cadre d’un contrat de sous-traitance, relève appel à l’encontre d’un jugement du 10 mai 2016 rendu par le tribunal de commerce qui avait constaté la péremption de l’instance en paiement qu’elle avait engagée à l’encontre de la société qui avait sous-traité un lot d’un chantier de rénovation et de la banque qui s’était portée caution solidaire de cette dernière. Saisi d’un incident d’irrecevabilité par la société sous-traitante intimée sur l’acte d’appel, le conseiller de la mise en état déclara irrecevable l’appel. L’ordonnance litigieuse fut déférée à la cour d’appel de Paris devant laquelle l’appelante introduisit une procédure en inscription de faux. Deux arrêts furent rendus, les 13 mai 2020 et 2 juin 2021, et la société appelante, demanderesse au pourvoi dirigea deux moyens distincts contre ces arrêts. Le premier n’étant pas de nature à entraîner la cassation, seul le second fut examiné en ce que l’une de ses branches faisait grief à l’arrêt du 2 juin 2021 de déclarer tardif l’appel alors « que c’est seulement dans le cas où le jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties que chacune peut se prévaloir de la notification faite par l’une d’elles ». Le pourvoi arguait en effet que la péremption ne pouvait être retenue pour les raisons prétendues d’une interdépendance étroite des droits et obligations des défendeurs et que l’indivisibilité se caractérisait par l’impossibilité d’exécuter séparément les dispositions du jugement concernant chacune des parties auxquelles il bénéficiait alors même que le jugement pouvait s’exécuter séparément à l’égard de la société qui avait sous-traité le marché et de la banque caution.

Au titre des dispositions commune et de la pluralité des parties (titre VIII), l’article 324 du Code de procédure civile dispose que « les actes accomplis par ou contre l’un des cointéressés ne profitent ni ne nuisent aux autres, sous réserve de qui est dit aux articles 475, 529, 552, 553 et 615 » et c’est l’article 529 du Code de procédure civile, propre à l’appel, qui était avancé au soutien du pourvoi : « en cas de condamnation solidaire ou indivisible de plusieurs parties, la notification faite à l’une d’elles ne fait courir le délai qu’à son égard. Dans les cas où un jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, chacune peut se prévaloir de la notification faite par l’une d’elles ».

En cas de pluralité de parties, la péremption encourue s’applique-t-elle à l’égard de tous ? Le premier réflexe serait bien sûr de répondre par l’affirmative, si le litige est indivisible. Qu’est-ce qu’un litige indivisible alors ? On sait que l’indivisibilité peut résulter de la loi et parfois de la convention, et que la jurisprudence est venue affiner le critère, rappelé par le moyen du pourvoi : il doit exister une impossibilité d’exécuter séparément les dispositions du jugement. Il n’y a pas d’indivisibilité lorsque l’exécution d’une décision n’est pas incompatible avec l’exécution d’une autre (Cass. soc., 4 juin 1984, n° 82-16.499 : JurisData n° 1984-701051 ; Bull. civ. V, n° 226) et c’est le cas s’il y a condamnation in solidum (Cass. 2e civ., 8 nov. 2001, n° 00-14.559) ou à paiement d’une somme d’argent prononcée à l’encontre de plusieurs parties (Cass. 2e civ., 7 janv. 2016, n° 14-13.721, F P+B : JurisData n° 2016-000025 ; JCP G 2016, act. 73, obs. C. Tirvaudey ; Dalloz actualité, 19 janv. 2016, obs. M. Kebir). La solidarité exclut l’indivisibilité (Cass. 3e civ., 11 mai 2022, n° 21-15.217, FS-B : JurisData n° 2022-007480 ; Procédures 2022, comm. 163, obs. R. Laffly ). Cela conduit d’ailleurs à certaines extrémités : en l’absence d’impossibilité de poursuivre simultanément l’exécution du jugement ayant condamné un assureur et l’arrêt mettant hors de cause son assuré, l’appel de celui-ci ne peut produire effet à l’égard de son assureur qui n’avait pas constitué devant la Cour (Cass. 2e civ., 17 nov. 2022, n° 20-19.782, FS-B : JurisData n° 2022-019063 ; JCP G 2022, act. 1354, obs. G. Deharo ; Dalloz actualité, 6 janv. 2023, obs. R. Laffly ). Seule l’impossibilité d’exécuter à la fois deux décisions contraires caractérise l’indivisibilité (Cass. 2e civ., 5 janv. 2017, n° 15-28.356, F-D : JurisData n° 2017-000123 ; Procédures 2017, comm. 27, obs. H. Croze), ou plusieurs chefs de dispositifs comme le rappela encore récemment la deuxième chambre civile (Cass. 2e civ., 13 juin 2024, n° 22-14.381, F-D : JurisData n° 2024-009155 ; Procédures 2024, comm. 195, obs. R. Laffly ).

Il serait tentant, avec une telle approche, de s’interroger sur la nature du litige, indivisible ou non, pour consacrer la péremption. Si le litige est indivisible, la péremption doit s’appliquer à l’égard de tous et, à défaut, être distributive. C’était le parti-pris finalement du pourvoi, s’attachant à démontrer que le jugement querellé pouvait s’exécuter séparément entre les parties, la péremption encourue à l’égard de l’une d’elles ne pouvant impliquer les autres. En effet, il est jugé que si le décès interrompt l’instance comme le délai de péremption à l’égard des ayants-droits, la péremption reste acquise vis-à-vis des autres parties (Cass. 2e civ., 4 févr. 1999, n° 96-19.479 : JurisData n° 1999-000446 ; Procédures 1999, comm. 91, obs. R. Perrot). Quid encore du « décès » de la société, placée en liquidation judiciaire ?

Intégralité du commentaire disponible sur www.lexis360intelligence.fr

PROCÉDURES – N° 03 – MAI 2025 – © LEXISNEXIS SA

Publié par

Romain LAFFLY

Avocat associé

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