Solution
La diligence interruptive du délai de péremption s’entend de l’initiative d’une partie, manifestant sa volonté de parvenir à la résolution du litige, prise utilement dans le cours de l’instance. Ces conditions, qui dépendent de la nature de l’affaire et de circonstances de fait, sont appréciées souverainement par le juge du fond.
Impact
Si, avec cette définition, la deuxième chambre civile clarifie la jurisprudence en redéfinissant les critères applicables, il n’est pas acquis qu’elle mette fin au contentieux nourri sur la diligence interruptive de péremption.
1re esp. : Cass. 2e civ., 27 mars 2025, n° 22-15.464, FS-B : JurisData n° 2025-003483
[…]
Vu les articles 2, 3, et 386 du Code de procédure civile :
7. Aux termes du premier de ces textes, les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.
8. Selon le deuxième, le juge veille au bon déroulement de l’instance et a le pouvoir d’impartir les délais et d’ordonner les mesures nécessaires.
9. Aux termes du troisième, l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
10. Il résulte de ces textes qu’il appartient aux parties, sauf lorsque la direction de l’instance leur échappe, d’accomplir les actes sous les charges qui leur incombent pour éviter la péremption de l’instance, sanction qui tire les conséquences de leur inertie dans la conduite du procès.
11. Le juge, saisi par une partie d’un incident de péremption ou se saisissant d’office de cet incident, doit rechercher si la péremption est acquise ou non au regard des diligences accomplies par les parties.
12. Pour apprécier si un acte constitue une diligence interruptive de péremption, la Cour de cassation retient, selon les procédures, des critères qui peuvent être différents. Elle juge parfois que, pour qu’une diligence soit interruptive, elle doit se borner à continuer l’instance ou à la poursuivre (2e Civ., 17 mars 1982, pourvoi n° 79-12.686, publié ; 2e Civ., 11 septembre 2003, pourvoi n° 01-12.331). Dans d’autres hypothèses, elle subordonne la qualité interruptive d’une diligence à une condition, qui est celle de faire avancer ou de faire progresser l’instance, ou encore de lui donner une impulsion (2e Civ., 8 octobre 1997, pourvoi n° 95-18.332 ; 2e Civ., 8 novembre 2001, pourvoi n° 99-20.159, publié ; 2e Civ., 2 juin 2016, pourvoi n° 15-17.354, publié).
13. Par ailleurs, certaines décisions mettent l’accent sur la volonté des parties manifestée par l’acte (2e Civ., 11 septembre 2003, pourvoi n° 01-12.331, publié), tandis que d’autres, reposant sur une conception plus objective, sont fondées sur la nature intrinsèque de l’acte, qui, en soi, doit poursuivre l’objectif précédemment défini (3e Civ., 20 décembre 1994, pourvoi n° 92-21.536, publié).
14. Cette disparité commande de clarifier la jurisprudence en redéfinissant les critères de la diligence interruptive de péremption, dans l’objectif de prévisibilité de la norme et de sécurité juridique.
15. Il convient, en conséquence, de considérer désormais que la diligence interruptive du délai de péremption s’entend de l’initiative d’une partie, manifestant sa volonté de parvenir à la résolution du litige, prise utilement dans le cours de l’instance. Ces conditions, qui dépendent de la nature de l’affaire et de circonstances de fait, sont appréciées souverainement par le juge du fond.
16. Pour infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du 9 juillet 2021, juger que l’instance est périmée et constater son extinction, l’arrêt retient que si la demande de rétablissement au rôle par voie électronique le 1er juin 2020, informant le juge de la mise en état de l’échec de la médiation ordonnée dans une autre procédure, a permis de lever la sanction que constitue la mesure de radiation administrative, cette information n’était pas de nature à faire progresser l’instance.
17. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’absence de diligences interruptives de péremption, au regard des conditions mentionnées au paragraphe 15, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
[…]
2e esp. : Cass. 2e civ., 27 mars 2025, n° 22-20.067, FS-B : JurisData n° 2025-003485
[…]
16. Pour confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état du 16 juin 2021 ayant constaté la péremption, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, d’une part, que le simple changement d’avocat n’est pas de nature à faire progresser une affaire et que si M. [M] s’est constitué pour Mme [B] qui souhaitait changer de conseil à la suite de son divorce d’avec M.[O], une telle constitution ne saurait caractériser une diligence interruptive de péremption, d’autre part, que la sommation de communiquer délivrée le 17 juillet 2017 par M. [M], dans le contexte rappelé plus haut d’un changement d’avocat, ne saurait non plus être regardée comme une demande faisant progresser l’affaire et ne vise qu’à l’obtention des écritures et pièces déjà échangées par les parties sans apporter d’élément nouveau.
17. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l’absence de diligences interruptives de péremption, au regard des conditions mentionnées au paragraphe 15, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
[…].
NOTE : Le tube de l’année
On ne compte plus les arrêts publiés de la Cour de cassation cette année écoulée, bien décidée à jouer sa partition. La péremption est envisagée sous tous les angles : du point de départ du délai en cas de radiation jusqu’à la réinscription de l’affaire au rôle, des charges pesant sur les parties selon que la procédure soit écrite ou orale, de sa suspension ou de son interruption en cas d’instances distinctes par un autre arrêt du même jour (Cass. 2e civ., 27 mars 2025, n° 22-23.948, FS-B : JurisData n° 2025-003471) jusqu’à définir, quelques jours encore avant ces décisions du 27 mars 2025, sa propre nature (Cass. 2e civ., 6 mars 2025, n° 22-17.609, F-B : JurisData n° 2025-002238). La péremption est indivisible, mais elle est bien visible ! Sur un mois, la deuxième chambre civile est aussi capable d’enchaîner les représentations, qu’il s’agisse des diligences interruptives ou du point de départ du délai de péremption (Cass. 2e civ., 23 nov. 2023, n° 21-21.872, FS-B : JurisData n° 2023-020846 ; Dalloz actualité, 18 déc. 2023, obs. M. Barba. – Cass. 2e civ., 21 déc. 2023, n° 21-23.816, F-B : JurisData n° 2023-022959 ; Procédures 2024, comm. 27, obs. S. Amrani-Mekki. – Cass. 2e civ., 21 déc. 2023, n° 21-20.034, FS-B : JurisData n° 2023-022960 ; Procédures 2024, comm. 28, obs. R. Laffly ). Mieux que cela, la deuxième chambre civile ne s’est pas contentée de battre la mesure, elle n’a pas hésité, pour que les Cours d’appel accordent enfin leurs violons, à opérer un revirement. Ainsi, par quatre arrêts de Section, elle a décidé, à l’inverse de son ancienne jurisprudence, que les parties n’ont plus à solliciter la fixation de l’audience à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption si le conseiller de la mise en état n’a pas été en mesure de fixer la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, sauf si celui-ci fixe un calendrier ou leur enjoint d’accomplir une diligence particulière (Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-19.475, FS-B : JurisData n° 2024-002632. – Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-19.761, FS-B : JurisData n° 2024-002634. – Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-20.719, FS-B : JurisData n° 2024-002637. – Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 21-23.230, FS-B : JurisData n° 2024-002635 ; Procédures 2024, comm. 110, obs. R. Laffly ; Dalloz actualité, 20 mars 2024, obs. M. Barba).
Ces deux arrêts du 27 mars 2025 n’opèrent pas un revirement, ils sont une mise au point, une clarification selon le mot même de la deuxième chambre civile décidée à contrer la disparité de la jurisprudence, qu’elle prend la peine de viser au terme d’une motivation vraiment enrichie, afin de redéfinir les critères de la diligence interruptive de péremption, dans l’objectif de prévisibilité de la norme et de sécurité juridique.
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PROCÉDURES – N° 03 – MAI 2025 – © LEXISNEXIS SA